samedi 21 février 2009

LES AMIS D'ALBION


Londres est l’un des amis d’Albion. Il essaye lui aussi de le sauver.

Je contemple Londres, une terrible merveille Humaine de Dieu.
Il dit : « Reviens Albion, reviens, je me donne pour toi:
Mes Rues sont mes Idées d’Imaginations.
Eveille-toi Albion, éveille-toi ! Et ensemble éveillons-nous.
Mes Maisons sont des Pensées, mes Habitants, des Sentiments-
Les enfants de mes pensées, marchants dans mes vaisseaux sanguins,
Coupés de ma forme nerveuse qui dort aux confins de Beulah
Dans des rêves de noirceurs, alors que mon sang végétatif, dans de veineux conduits,
Coule terrible à travers les Fourneaux de Los et les Usines Sataniques.
Pour l’amour d’Albion et pour Jérusalem son Emanation
Je me donne, et mes frères se donnent aussi pour Albion. »

Ainsi parla Londres, Gardien immortel,
Car les Villes sont des Hommes, pères vénérables des multitudes, et les Rivières et les Montagnes
Sont aussi des Hommes; tout est Humain, puissant, sublime.
En chaque sein un Univers se déploie, comme des ailes se déployant de tout côté.

Voyant qu’Albion s’était détourné de la Divine Vision
Los dit à Albion: « Où donc fuis-tu ? » Albion répondit:
« Je meurs. Je vais à la mort éternelle; les ombres de la mort
Planent en moi et au-dessous, se répandant elles même à l’extérieur
Comme des nuages rocailleux, me construisant un lugubre monument de malheur.
Quelqu’un ne m’accompagnerait-il pas dans ma mort, où ne voudrait-il pas être une rançon pour moi
Dans cette sombre vallée? J’ai revêtu mon manteau, et à mes pieds
Ai lié ces noires chaussures de mort, et à mes mains ces mortels gants de fer.
Dieu m’a abandonné, et mes amis sont devenus pour moi un fardeau,
Une lassitude, et le pas de l’homme est pour moi une terreur. »

Los, l’âme déchirée, répondit, troublé:
« Les sages doivent-ils mourir pour expier ? La clémence tolère-t-elle l’expiation ?
Non ! C’est la sévérité morale qui détruit la clémence chez ses victimes. »

Parlant ainsi, n’étant pas encore contaminé par l’erreur et l’illusion,
Los frissonna en contemplant Albion, car sa maladie
S’éveilla en lui, pâle et blafarde, et il appela alentour
Les Amis d’Albion...


Los était l’ami d’Albion qui l’aimait le plus. A Cambridgeshire,
Son siège éternel, il est le vingt-huitième, étant quadruple

En pleurs, les amis d’Albion descendirent et tombèrent à genoux autour des genoux d’Albion,
Jurant le serment de Dieu, d’une voix majestueuse et tonitruante
Sur les collines et les vallées; et le nébuleux sermon résonnait largement au loin.

« Albion est malade » entonnait chaque vallée, chaque colline désolée
Et chaque rivière; « Notre frère Albion est mortellement malade.
Il s’est associé à des voleurs, il a étudié les arts
Du doute, la convoitise plane sur lui. Il déteste ses amis,
Ceux qui ont donné leur vie pour lui sont dédaignés;
Ceux qui dévorent son âme sont intégrés en son sein.
Détruire son Emanation est leur intention.
Elevez-vous ! Réveillez-vous ! Ô! Amis du géant Albion;
Ils l’ont persuadé d’horribles fausses conceptions,
Ils ont semé l’erreur sur tous ces champs fruitiers »

Les vingt-quatre amis entendirent.
Oh! Comme les tourments de la mort éternelle pèsent sur l’homme -
Et les déchirantes barricades de la création prêtes à voler en éclat
Pour que le vaste monde puisse sortir de ses gonds, et que l’immortelle résidence
De l’homme soit à jamais possédée par les monstres des profondeurs,
Et que l’homme devienne lui-même un démon, drapé d’une malédiction sans fin,
Consumant et consumé éternellement dans les flammes de la justice morale.

Car le corps d’Albion avait chuté, et de ses terribles ruines,
Sur l’obscurité des profondeurs, s’était détaché l’énorme spectre,
Plein d’inimité pour ceux qui sont miséricordieux et remplis d’un feu dévorant,
Un monde inférieur a dû recevoir le répugnant esprit,
Sous couleur de vertu morale, empli de revanche et de lois,
lié ainsi pour l’éternité, émettant des flammes rouges et des malédictions, avec ses puissants bras brandis contre les cieux,
Respirant la cruauté, le sang et la vengeance, grinçant des dents avec douleur,
Lacéré de noires tempêtes et consumé dans les torrents de ses incessants feux,
En son sein ses puissants fils enchaînés et plein de malédictions,
Et son noir éon (émanation), jadis belle forme cristalline d’une clarté divine,
Produit en ses côtes des serpents dont les âmes sont des flammes de feux,
Mais gloire au Miséricordieux, car il est de tendres grâces !
Et la Divine Famille, tel un seul et unique homme, pleura sur lui.

Et c’est en ces vingt-quatre amis que la Divine Famille
Apparut; et ils étaient un en lui, une vision humaine -
Humaine-Divine, Jésus le sauveur, bénis pour toujours !

Les Vingt-huit tremblaient dans les sombres cavernes de la Mort; dans un désespoir glacial
Ils s’agenouillaient autour des Couches des Morts dans une profonde humiliation
Et dans les tortures de l’auto condamnation, car leurs spectres rageaient en eux.
Les Quatre Zoas* en pleine explosion rageaient, obscurcis,
Buvant les peurs et les amours frissonnant des Familles d’Albion
Qui, par une affection égoïste, détruisaient les choses qu’elles admirent le plus,
Buvant et mangeant, et s’apitoyant et pleurant, comme à une scène tragique
L’âme boit le meurtre et la revanche, et applaudit à sa propre sainteté.
Ils virent Albion lutter pour détruire leurs Emanations.

Ils virent leurs Roues pleines de poison s’élever contre Albion:
Urizen*, froid et scientifique; Luvah*, s’apitoyant et pleurant;
Tharmas*, indolent et morose; Urthona*, doutant et désespérant;
L’un victime de l’autre; conspirant l’un contre l’autre
Pour empêcher Albion de se promener parmi les Quatre Tempéraments.

Alors Los devint furieux, rageant: « Pourquoi restons-nous ici tremblant autour,
Demandant de l’aide à Dieu, et non à nous-même en qui Dieu demeure,
Etendant une main pour sauver l’Homme dans sa chute : Ne sommes nous pas Quatre,
Contemplant Albion au bord du Précipice, prêt à sombrer dans la Non-Entité,
Voyant ces Paradis et ces Enfers se réunissant dans le Vide. Paradis construits sur des Enfers
Ruminant dans une sainte soif hypocrite, buvant les cris de douleurs
Des victimes hurlantes de la loi, construisant des paradis à vingt-sept dimensions.
Gonflées et enflées, les Formes Générales répugnent à la Divine
Humanité, qui est la Seule Forme Générale et Universelle
Que chaque caractéristique cherche avec amour et sympathie.
Tous les principes clairs et généraux appartiennent à la bienveillance
Qui protège les minutieux particuliers, chacun dans sa propre identité.
Mais là, le tendre toucher de la langue est empêché par de mortelles dents
Et le doux sourire de l’amitié et le soleil levant de la bienveillance
Deviennent un filet et un piège ; et chaque énergie est rendue cruelle,
Jusqu’à ce que l’existence de l’amitié et de la bienveillance soit déniée :
Le vin de l’Esprit et les vignobles du Très-Haut
Se changent ici en une stupeur empoisonnée et une intoxication mortelle :
Qu’ils puissent être condamnés par la loi et que l’Agneau de Dieu soit tué !
Et les deux Sources de la Vie dans l’Eternité, la Chasse et la Guerre,
Deviennent les Sources de la Mort sombre et âpre, et de l’Enfer corrosif
Le coeur ouvert est fermé par des téguments de silence glacial.

Un pseudo art pour détruire l’art ! Une prétendue liberté
Pour détruire la liberté, une prétendue religion pour détruire la religion!
(36.69)Je vois l’Amérique mise de côté, et Jérusalem conduit par la terreur?
Hors des montagnes d’Albion, loin des tours de Londres.
Je ne vais pas endurer cela ! Moi seul résiste jusqu’à la mort
A cet outrage. Mais, comme vous êtes maladifs et pâles vous qui vous tenez autour de moi (!)
Mais, Ô! Pitoyables amis, allez-vous vous aussi dans la vallée de la mort ?
Vous tous, mes frères et amis, vous, mes bien aimés compagnons,
Avez-vous aussi attrapé l’infection du péché et de l’austère repentir ?
Je vois en vous la maladie qui gagne du terrain. Mais, parlez-moi et donnez-moi
Du réconfort. Pourquoi gardez-vous le silence ? Moi seul
Reste en pleine possession de mes forces. Ou est-ce que toute cette bonté et pitié
Ne sont là que pour que vous vous vengiez d’autant plus dans votre tombe ? »

Ainsi parla Los. Les Amis d’Albion se tenaient autour de la maison de la mort,
Au beau milieu des tentations et du désespoir, parmi les chênes enracinés,
Parmi les rochers érigés des Fils d’Albion. Ils s’élevèrent longuement
En un consentement d’amour sublime, comme sur des ailes de chérubins,
Ils entourèrent Albion et d’une tendre violence, pour le ramener
Contre sa volonté à travers la porte de Los en Eden. Quadruples, puissants,
Leurs ailes battaient l’abîme immense, pour porter
Leur terrible charge jusqu’à son pays d’origine. Mais Albion, sombre,
Répugnant, actionnait ses roues dans le sens inverse, vers la non-entité. (....)
Puissantes, les roues étoilées d’Albion tournent dans les mondes de la mort,
Obstruant les portes de Los par des nuées jaillissant des terribles roues d’Albion,
Pour que chaque particule d’air et de lumière devienne opaque,
Noire et immense, une montagne de difficulté et une falaise de sombre désespoir.

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