samedi 21 février 2009

LES ENFANTS DE LA LUMIERE / LES ENFANTS DE L’OBSCURITE:


Ce passage oppose les fils de Los aux fils d’Albion.

Et Los contempla ces Fils et ces Filles -
Chacun une Merveille translucide, un Univers intérieur,
Croissant à l’intérieur en longueur, en profondeur, et en hauteur,
Etoilé et glorieux, et chacun d’entre eux, dans leurs vifs reins,
A une belle porte d’or, qui s’ouvre dans le monde végétatif;
Et chacun a une belle porte de rubis et de pierre précieuse,
Dans leur coeur translucide, qui s’ouvre dans le monde végétatif;
Et chacun a une porte de fer, terrible et magnifique,
Dans leur tête translucide, qui s’ouvre dans le monde végétatif.
Et chacun a les trois régions de l’Enfance, de la Maturité et de la Vieillesse.
Je vois l’Homme Quadruple: l’Humanité dans son sommeil mortel,
Et son Emanation déchue, le Spectre et son ombre cruelle.
Je vois le Passé, le Présent et le Futur, existant en même temps
Devant moi; Ô Esprit Divin, soutient moi de tes ailes,
Que je puisse réveiller Albion de son long et froid repos!
Car Bacon et Newton, gainés d’acier lugubre, crachent leurs terreurs
Sur Albion, tels de métalliques fouets; Raisonnant comme d’énormes Serpents
Enroulés autour de mes membres, meurtrissant mes minutieuses articulations.
Je tourne mes yeux vers les Ecoles et les Universités d’Europe,
Et je contemple la vague Silhouette de Locke[1], dont la sinistre Rengaine divague,
Lessivé par le Moulin de la pensée Newtonienne[2]. Noir, le tissu
Se replie en de lourdes couronnes funéraires sur toutes les Nations. Je voyais
Les cruels Mécaniques de maintes Roues dentées, roue sans roue, avec de tyranniques dents
Se mouvant l’une contre l’autre dans la contrainte; pas comme celles de l’Eden, qui
Roues dans des roues, se meuvent en toute liberté, dans la paix et l’harmonie.

De chacune des Quatre Régions de l’Humaine Majesté,
Il y a un Dehors étendu à l’Extérieur, et un Dehors étendu à l’Intérieur,
Au-delà de la Ligne de l’Identité dans les deux directions, qui deviennent une -
Un Vide* circulaire, fait de doute, de désespoir, de faim et de soif et de tristesse.
Là, les Douze Fils d’Albion, réunis en une sombre Assemblée,
Jaloux des enfants de Jérusalem, honteux de ces enfants
(Car Vala produit les corps, Jérusalem donne les âmes)
Devinrent comme Trois Immenses Roues, tournant l’une contre l’autre
Dans le Non Etre, et leurs rauques tonnerres terrifient les Morts,
Pour tuer leurs propre Ames, pour construire un royaume parmi les Morts.
« Rejetez! Rejetez donc Jérusalem au loin ! l’Ombre d’illusion !
La fille prostitué ! Mère de la pitié et du pardon qui déshonore,
Péché et honte de notre Père Albion! Mais de père, il n’y a plus,
Ni de fils, ni des haïssables paix et amour, ni des douces satisfactions,
Quand les transgresseurs se rejoignent dans l’amitié autour de la table,
Ou sous le porche dans le jardin! Plus de délices coupables
De vieillesse et de jeunesse, de fille et de garçon, d’animal et d’herbe,
De rivière et de montagne, de ville et de village, de maison et de famille,
Sous le chêne et la branche, sous la vigne et le figuier,
Dans l’oubli de soi! Mais la Guerre et la controverse Entre
Le Père et le Fils, entre la lumière et l’amour! Toutes les aspérités escarpées
De ceux qui Haïssent se rencontrent dans de mortels différends, déchirant la maison et le jardin,
Les portiques fermés au pardon, les tables de l’inimité, et les lits
Et les chambres de tremblements et de suspicions; haine de la vieillesse et de la jeunesse,
Et de garçon et de fille, et d’animal et d’herbe, et de fleuve et de montagne, et de maison et de famille: que le Parfait[3][Associati1]

Puisse vivre dans la gloire, racheté par le Sacrifice de l’Agneau,
Et de ses enfants devant Jérusalem la pécheresse. Pour construire
Babylone, la Cité de Vala, la Vierge Déesse Mère.
Elle est notre Mère! Nature! Jérusalem est notre soeur prostituée,
Revenue avec les Enfants de la pollution, pour contaminer notre Maison
Avec le Péché et la Honte. Rejetez-la! Rejetez-la dans le camp des bannis!
Ses enfants, elle doit les massacrer sur nos Autels, et ses vieux
Parents doivent être mis en captivité pour racheter son Ame,
Pour être une Honte et une Malédiction, et pour être notre Esclave pour toujours. »

Ainsi crièrent les plus âgés des fils d’Albion,
Pour détruire le Divin Sauveur, l’Ami des Pécheurs.
p667
Par une Nuit sombre et inconnue,
Albion étendit sur le sol sa géante beauté, dans la douleur et les larmes :
Ses Enfants, exilés de son sein, passent et repassent devant lui;
Ses oiseaux sont silencieux sur ses collines; ses troupeaux trépassent sous ses branches,
Ses tentes sont écroulées; sa trompette et le doux son de sa harpe
Sont silencieux sur ses nuageuses collines, qui vomissent du feu et des tempêtes.
Le lait de ses Vaches et le miel de ses Abeilles et le fruit de sa moisson dorée
Sont recueillis dans la chaleur brûlante et dans la pluie torrentielle
Là où jadis, il était assis, il marche las, dans la misère et la douleur,
Sa Géante beauté et sa perfection réduites en poussière;
Jusqu’à ce que de son sein flétrit, devenu étroit à force de malheurs,
Le grain se transforme en chardon et les pommes en poison,
Les oiseaux chanteurs en corbeaux meurtriers, ses joies en âpres gémissements !
La voix de ses enfants dans ses tentes en cris d’enfants désemparés !
Et, s’étant lui-même exilé de la face de la lumière et de l’éclat du matin,
Il erre de ci et de là dans le monde obscur (une étroite maison!),
Cherchant le repos et n’en trouvant point ! et caché loin au dedans,
Son Emanation (Eon) pleurait dans la terre froide et déserte.

Et les sept maladies de l’âme s’installèrent autour d’Albion.
Jérusalem son Emanation, enfermée dans son sein,
Qui se durcissait de plus en plus alors qu'il concevait intérieurement
Sur l’Abîme de la Mort et du pharisaïsme*, et grondait
[1] John Locke, philosophe anglais matérialiste dénué d’inspiration aux yeux de Blake
[2] Blake s’en prend ainsi au socle de la pensée scientifique. Newton ne comprend pas que la matière est vivante, est l’Imagination.
[3] Blake appelle Satan ‘Le parfait’ : la perfection sans la compassion et le pardon, la morale sans la spiritualité, c’est l’enfer.

[Associati1] Pour Blake, Satan est l’état de celui qui se croit parfait. Le parfait est un autre nom pour le diable.

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